Richard Sammel glaçant dans "A Better Place", une série qui s’intéresse à la justice réparatrice

Une petite claque. Création allemande de huit épisodes, présentée en avant-première lors du dernier festival Canneseries, A Better Place (Un monde meilleur) s’intéresse à la justice réparatrice. On suit le parcours de quatre prisonniers qui retrouvent la liberté grâce une décision politique: ouvrir les prisons afin de tenter une expérience sociologique et de réinsertion. Portée par un Richard Sammel glaçant, que l’on a vu dans Taxi, Un village français et Inglorious Basterds, cette série interroge de bout en bout. Sur la notion de réinsertion, de justice, de pardon, de colère, de peine...
Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet, et ce personnage de Klaus Bäumer qui, sur le papier, est un beau salopard?
Le fait que ce soit un sujet délicat m’a intéressé. Ensuite, c’est d’actualité et ça s’inscrit dans la société dans laquelle on vit. Même si on ne veut pas trop le voir, les prisons sont surpeuplées donc, on sent quand même la nécessité d’un changement de système tout en limitant la récidive. Cet angle que propose la série se base sur des expériences qui sont faites dans la vie réelle, notamment en Scandinavie. On libère les prisonniers avec des programmes de réinsertion, des tuteurs, des appartements, du travail. Contrairement à ce que l’on pense, la prison coûte plus cher que libérer et réinsérer des prisonniers, mais la société veut punir plutôt que guérir. On est au seuil de quelque chose qui, pour moi, ressemble un peu à la discussion autour de la peine de mort. La peine de mort semblait justifiée, œil pour œil, dent pour dent, jusqu’au jour où on a compris que si on veut s’élever en tant que société et vivre dans des valeurs humanitaires, d’égalité, de liberté, de fraternité, il y a peut-être mieux à faire éthiquement et moralement.
On suit plusieurs parcours de prisonniers, et cela interroge sur le pardon, la justice, la difficulté de trouver un équilibre...
Certains trouvent du travail très facilement, un logement, d’autres pas du tout. Il y a de la résistance dans la société. Il ne faut pas seulement éduquer les criminels, il faut aussi éduquer la société à ce retour. Ce qui est d’ailleurs très bien fait dans cette série, parce qu’on voit à quel point une partie de la population soutient ce projet mais qu’il y a une dure réalité aussi. Après, cela interroge sur la peine. Est-ce que la prison a réparé le crime? Non, pas du tout. Il faut accepter que si on relâche 300 détenus, peut-être qu’il y en a 10-15 qui vont récidiver, mais ça ne veut pas dire que les autres sont perdus. Il faut accepter que c’est imparfait et essayer sur le moyen terme. La démocratie c’est aussi se mettre en capacité de donner sa chance à ses plus faibles éléments. J’ai aimé cette idée parce qu’en l’occurrence, mon personnage semble être un de ceux qui semblent irrécupérables.
Ce personnage est d’un autre temps. Très cartésien, il mérite d’être en prison...
Tant qu’il est en prison, tout va bien. Il ne comprend pas du tout pourquoi on le sort de prison. Puis on sent qu’il n’est pas à l’aise, il ne connaît plus les codes de dehors. Il doit réapprendre. À ce titre-là, il est presque une métaphore pour la société qui a pris l’habitude de détourner le regard des prisons et du sort des prisonniers. Mais c’est courageux, une série comme ça, qui met le doigt là où ça fait mal. Là, on est obligé de regarder.
Comment avez-vous travaillé ce personnage?
Déjà, il a une dégaine, une gueule, des tatouages. Il s’exprime par petites phrases. Ce personnage, au départ, n’était pas si défini que ça. On aurait pu en faire un alcoolo, un néo-nazi avec la boule à zéro, un mec hyper violent. Et on a finalement opté pour une chose un peu moins évidente, parce que des histoires de néo-nazis et de boule à zéro, on en a déjà vu. Et on est allé vers des choses un peu plus subtiles. L’alcool, je l’ai considéré comme une facilité. Et donc, petit à petit, on est allé vers cette idée de loser, de quelqu’un qui est décalé de la société et qui a trop longtemps vécu dans ce système carcéral, qui ne retrouve plus sa place dehors. Il y a quelque chose de touchant là-dedans et de triste. Il a perdu beaucoup de dialogues avec le temps parce que son envie de vivre, de se socialiser, ne passe pas à travers les paroles. Ensuite, on l’a habillé, la coupe de cheveux, les dents, les tatouages.
Comment arrive-t-on à embrasser un personnage comme ça, à ne pas le détester?
Alors, pour l’aimer, c’est difficile. Mais pour être fasciné, c’est facile. C’est d’ailleurs la première fois dans ma carrière où, une fois qu’on avait le personnage visuellement, physiquement, il apparaissait devant moi. En me regardant dans le miroir, j’ai trouvé la voie. C’était une expérience assez unique de ce point de vue là. Après, ça a été une aubaine de le jouer parce que c’est comme si vous découvrez sa vie en vous mettant dans sa peau.
Est-ce que c’est une série qui peut faire changer les choses?
Il faut que cela ouvre des débats sur la justice de réhabilitation. Ce serait nécessaire, mais ça doit inclure quelque chose qui va faire débat: comment traiter les récidives? Parce que c’est bien joli de libérer tous ces gens mais s’ils recommencent des crimes, quelle va être la réaction de la société? Il faudrait une méthode de sélection qui diminue au maximum le danger de la récidive. La série fait vraiment réfléchir, parce qu’on se place souvent du côté des victimes, forcément, et là, on a le point de vue des prisonniers, et on se rend compte de la difficulté pour chacun, à tous les niveaux, de retrouver une vie normale.
, ce jeudi à 21h, sur Canal +
Var-Matin